Belgrade Kendo Trophy

Belgrade Kendo Trophy

Aleksandar revient pour nous sur son expérience au Trophée De Kendo de Belgrade :

L’approche imminente des inter-régions me donne l’occasion de faire ce que Pascal m’avait proposé après le retour de mon premier tournoi de kendo : résumer en quelques mots mes impressions. Le tournoi dont il s’agit est « Belgrade Kendo Trophy », qui avait lieu le premier week-end du mois d’octobre, dans ma ville natale.

La première fois qu’Inès m’en a parlé (ça fait plus qu’un an maintenant), ce n’est pas l’impression d’être prêt qui alimentait ma motivation pour y aller ; au moment du tournoi je n’avais qu’un an d’expérience en kendo (un peu plus que cela en fait, mais c’est une autre histoire). Ce qui m’a vraiment attiré était la possibilité de vivre une nouvelle expérience dans ma ville, première fois depuis le moment auquel je l’ai quittée, il y a neuf ans.
Encore grâce à Inès, j’avais déjà fait du kendo à Belgrade quelques fois, dans le dojo de son ami Andrej « Makoto », qui lui-même est dans l’équipe nationale Serbe. Bizarrement, le dojo est à cinq minutes à pieds de mon appartement de Belgrade : la coïncidence est vraiment magnifique ! Mais l’ambiance intime d’un dojo, où l’on rencontre les gens plus facilement, pour faire keiko et pas shiai, est complètement différente de celle d’un tournoi/compétition…

Avant le week-end de tournoi, un stage de trois jours a été organisé, animé par deux senseis de Belgique : Serge Hendrickx et Dany Delepière, tous les deux 7ème dan. A côté de l’aspect apprentissage, ce stage était une super occasion pour « se chauffer » (physiquement et mentalement), connaître d’autres compétiteurs, et même connaître la salle elle-même. Les deux senseis nous ont rendu ces jours très agréables et exaltants grâce à leur spontanéité, une interaction amicale et la diversité du kendo présenté. Malheureusement, déjà pendant le deuxième jour de stage j’ai eu des problèmes pour faire du kendo, et même à marcher normalement, à cause de l’inflammation des chevilles, surtout dans la jambe gauche. Par conséquent, j’ai raté le troisième jour de stage, afin de ne pas empirer les choses pendant le tournoi.

Photo : Aleksandra Bjedov, récupérée de la page Facebook de « Makoto »

Photo : Aleksandra Bjedov, récupérée de la page Facebook de «Makoto»

Quand le premier jour de tournoi est venu, malgré toutes mes réflexions, je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait là-bas. Je suis arrivé dans la salle, qui me semblait soudainement beaucoup plus petite que pendant le stage, car elle était pleine de gens (plus que 200 compétiteurs, si je me souviens bien ; on m’a dit que ce tournoi est le plus grand d’Europe après le championnat européen), il y avait des armures et shinais partout ! L’apparence, l’odeur, le bruit…ont fait que l’espace que j’avais connu était devenu quelque chose de complètement différent ; à cause d’autant d’inconnus, par exemple tous ces gens, les procédures, même les langues étrangères, j’avais vraiment du mal à croire que j’étais toujours dans le même espace que pendant le stage, et même dans ma propre ville ! Cette impression un peu absurde a été amplifiée par le fait que la dernière fois que j’étais dans cette salle de sport remontait à plus que dix ans, lorsque je faisais de la danse folklorique serbe : un contexte qui, bien qu’en apparence très éloigné du kendo, est en réalité assez similaire. Par contre, si je rappelle qu’il s’agit d’une discipline traditionnelle, ou l’on crie, frappe les pieds par terre, s’habille dans les tenues « bizarres », peut-être que les deux ne sont pas si différents… En revanche, dès que tout le monde a commencé à s’échauffer, compter en japonais, crier, faire les exercices connus par tout kendoka, j’ai quand-même constaté que tous ces gens n’étaient pas si différents. Il ne s’agissait plus d’étrangers, comme on aurait pu le croire au premier coup d’œil. (Je dirais que le terme « étrangers » a été également valable pour les autres kendoka serbes, qui, sauf Andrej et quelques-uns du dojo « Makoto » me regardait d’un air perplexe, car ils voyaient mon nom sur le zekken, mais n’avaient aucune idée de quel dojo je venais.) Donc je dirais que j’ai perdu assez vite cette impression de « distance » entre les gens, grâce à cette discipline qui dépasse les limites des langues, nations, et qui nous a permis de nous rassembler d’abord pour une compétition amicale, mais aussi pour un partage d’expériences et d’apprentissages ; tout le monde avait un esprit ouvert, amicale et généreux. Cela m’a énormément aidé à entrer dans le shiaijo pour le premier combat.

Photo : Aleksandra Bjedov, récupérée de la page Facebook de «Makoto»

Photo : Aleksandra Bjedov, récupérée de la page Facebook de «Makoto»

Si l’on prend en compte uniquement le(s) ippon, j’ai eu davantage de réussite lors de mon premier combat en marquant un kote. Je l’ai tout de même perdu sur un kote et un men. Par contre, le combat suivant a été plus « intéressant » pour moi (je me permets de le dire comme ça) peut-être le plus intéressant de tous les combats que j’ai pu faire durant le tournoi. Notamment, mon adversaire avait un niveau supérieur au mien : il a surtout été plus agressif, donc j’ai dû fournir des efforts conséquents pour parer. Quand j’y pense maintenant, avec cette distance, je suis vraiment étonné par le niveau de concentration que j’ai atteint : concentration sur l’adversaire ! Tu entres le shiaijo, tu fais le sonkyo, et soudainement tout ce qui est autour disparaît : les autres kendokas, les arbitres, la publique, les écrans avec les tableaux…et même la bande blanche qui marque les limites du shiajo… On s’est donc battu pendant une minute et demie, peut-être deux ; il y a eu de nombreuses frappes, les arbitres ont sifflé plusieurs fois – et on est rentré au centre du shiaijo à maintes reprises. Puis l’arbitre a soudainement annoncé que c’était la fin. Je savais que je n’avais pas marqué de ippons, et par conséquent j’ai pensé que c’était l’adversaire qui avait gagné. En sortant du shiaijo j’ai vu Inès, qui m’a regardé en disant : « Mais qu’est-ce que t’as fait ?! T’est sorti du shiaijo quatre fois ! ». Autrement dit : j’ai offert le match à mon adversaire, en particulier car il n’a pas eu d’ippons non plus. Ce qui m’a rassuré un peu est ce qu’Inès m’a dit après : je n’essayais pas de fuir, mais plutôt de contrôler la situation en me mettant à la bonne distance. Donc au lieu d’imposer ma propre distance, j’ai reculé. En plus, tout le monde me disait que les shiaijos étaient très petits. Bien entendu, j’aurais largement préféré perdre sur des ippons plutôt que de cette façon là.

combat

Ainsi je terminai la première partie de la compétition ; c’était assez bref, mais à la fin je n’étais pas déçu. Tout d’abord, ces deux combats à eux seuls valaient le déplacement. En l’espace de quelques minutes j’ai énormément réfléchi et appris pendant et après ces deux shiais. Ensuite, j’ai pu m’assoir dans le public, et tranquillement observer la suite du tournoi, regarder de l’excellent kendo, échanger avec les gens, et passer du temps avec mes amis de Belgrade qui venaient au long de la journée pour voir cette magnifique discipline que j’apprends. Ce n’est probablement pas nécessaire de souligner que tout le monde a été impressionné par ce qu’il a vu.

Globalement, je pense quand même que l’expérience de la deuxième journée a été la plus marquante, probablement car j’ai dépassé tous les doutes du premier jour, concernant le kendo lui-même, la logistique du tournoi, et comment se comporter dans tout ce chaos.
Le deuxième jour je me suis joint à une équipe qui avait déjà été formée, mais à laquelle il manquait une personne pour être au complet. Elle était composée de quatre kendokas, ayant chacun entre dix et quinze ans d’expérience. A mes côtés il y avait trois Grecs dont un vivait en Norvège, et un Suédois. J’ai ri à propos mon histoire serbo-norvègienne ce qui m’a donné l’occasion de plaisanter au sujet de cette équipe, « presque serbe, presque norvégienne ». J’avais connu deux d’entre eux pendant le stage, donc je n’avais pas la sensation d’être tout seul, d’être « l’étranger ». Tout le monde était vraiment agréable, ils m’ont beaucoup soutenu quand je leur ai dit que je n’étais pas « tout à fait expérimenté ». Ils m’ont dit que la seule chose qui comptait était de faire mon mieux, quel que soit le résultat. « Il faut au moins essayer de se protéger afin de ne pas avoir un ippon », phrase qui m’a un peu étonné, étant donné que dans le dojo on nous dit qu’il est inutile de nous défendre quand on croise les shinais en combat.
Et donc, dans le premier combat, on s’est croisé avec l’équipe rassemblée autour du dojo « Makoto », et mon premier combat n’était ni plus ni moins que contre Andrej. Bloody hell ! En tout cas je n’aurais eu aucune chance contre quelconque kendoka de son équipe non plus, mais j’ai croisé Andrej en geiko plusieurs fois, donc je connais bien l’adversaire qui me fait face. (En plus, le jour avant il avait gagné la deuxième place en individuel, donc voilà.) Malgré le fait qu’il n’a certainement pas dû faire son mieux contre moi, j’ai réussi à tenir (du moins à me défendre) pendant deux minutes à peu près…et alors pendant la dernière minute – WHAM ! – deux fois men ! On a perdu aussi en tant qu’équipe et l’équipe de « Makoto » a gagné la deuxième place à la fin de la journée.

Photo : Aleksandra Bjedov, récupérée de la page Facebook de «Makoto»

Photo : Aleksandra Bjedov, récupérée de la page Facebook de «Makoto»

Ensuite, nous avons fait notre deuxième combat contre une équipe d’Istanbul. Je dirais que mon adversaire a été à peu près au même niveau que moi concernant la technique. Mais il était sûrement plus expérimenté dans les compétitions, car il m’a aussi pris deux men vers la fin des trois minutes. De la même manière que précédemment contre Andrej, pendant les trente dernières secondes j’ai eu le premier men, qui a énormément perturbé ma concentration. Le deuxième men a suivi assez rapidement. Dès mon premier shiai j’étais étonné par le niveau de concentration qu’on est capable d’atteindre, mais aussi par l’énergie nécessaire pour la maintenir, et par conséquent – la facilité de la perturber une fois qu’on perd un point. C’est un aspect de mon kendo sur lequel je veux travailler par la suite.
Cette fois aussi on a perdu en équipe, avec une différence d’un point, je pense. Malgré le fait qu’on n’est pas allé loin dans la compétition, on a été content car on a essayé de faire le maximum, on a créé une ambiance amicale entre nous, et on a bien réfléchi sur ce qu’on avait fait bien ou pas bien. De mon côté, même si je pense que j’ai pu mieux contribuer au résultat de l’équipe – cette fois je ne me suis même pas rapproché de la bande blanche (et à l’avenir, je ne le referai plus). Ce qui me rassure c’est que j’ai avancé pendant le tournoi au moins par rapport à une chose : la conscience des limites de shiaijo pendant le combat. Je verrai pour le reste déjà pendant les inter-régions, j’espère.
Personnellement, vu que je n’avais pas d’expérience précédemment, j’ai essayé de trouver un équilibre entre ce que j’apprenais dans le dojo pendant la dernière année (tout ce qui concerne la technique, l’endurance, la philosophie, l’attitude, esprit) et ce que j’ai rattrapé entre les shiais et les conseils rapides d’Inès pendant le tournoi. Je dirais qu’il m’a manqué quelques considérations de base à propos de la différence entre geiko et shiai. Particulièrement, ce que j’ai déjà évoqué : l’attitude dans le dojo, où il faut toujours aller tout droit, où il ne faut pas essayer d’éviter les attaques de l’adversaire (« ça ne te sert à rien de te défendre ! ») … contre l’état de l’esprit pendant un shiai. Donc, la défense active, ou par exemple essayer de pousser l’adversaire en dehors du shiaijo…il m’a fallu un peu de temps pour m’habituer à ça.
Le défi pour la suite est de réussir de bien distinguer ces deux états de l’esprit pendant les keikos et les shiais.

Après d’avoir perdu en équipe, on est sorti de la salle pour prendre quelque chose à manger, et surtout pour continuer notre échange dans un milieu un peu « moins formel ». On a parlé de ce qui a été bien, ou pas bien, le Suédois s’est demandé comment il était possible de faire si chaud le 2 octobre… Et j’ai mentionné que c’était la première fois que je mettais les pieds dans un shiaijo, ce qui a évidemment un peu choqué les autres. Le plus expérimenté parmi les Grecs m’a demandé : « Are there many good kendokas in your dojo ? ». J’ai répondu de suite : « Ah oui, il y en a beaucoup ! »
J’attends donc avec une grande impatience les inter-régions, où je pourrai partager ces découvertes et expériences avec les gens de Seigakukan, auxquels j’ai beaucoup pensé pendant ce tournoi à Belgrade. Et en octobre de l’année prochaine, j’espère que l’on fera (au moins) une équipe et qu’on ira nombreux à l’Open de Kendo de Belgrade 2017 : j’y rentrerai sans doute.

aleksines

Les « quelques lignes » de texte sont devenu plutôt un compte rendu exhaustif. Même si je n’ai couvert qu’un petit morceau de la totalité des expériences, je voulais détailler les découvertes et émotions afin de faire passer un très très grand « MERCI » à Pascal, Inès, tous les kendokas de Seigakukan et les autres dojos que j’ai croisé, ainsi que Andrej et les kendokas de « Makoto ». Merci pour cette occasion de grandir en tant que kendoka et surtout en tant que personne.

Pour les intéressés, l’évènement a été bien couvert avec des photos, à retrouver sur la page Facebook de « Makoto »

Je dois également un très très grand « MERCI » à Sarah, qui a fait un énorme effort de corriger mes erreurs de la langue et de mettre en ordre ce texte !